Albane Herrgott, talentueuse sculptrice et dynamique maîtresse de cérémonie de la Galerie Grès, 9 rue du Pont-Louis-Philippe à Paris, a pris l’heureuse initiative d’exposer jusqu’au 29 mars 2025 les oeuvres de Dominique Coenen sorties du four anagama du CCCLB de La Borne le mois dernier.
Dominique Coenen, sculptrice belge, est une figure à La Borne centre majeur de la cuisson au feu de bois. Elle s’y installée il y a plusieurs années, venant du sud de la France sculptant des pièces cuites à l’électricité, pour découvrir et apprendre les « sortilèges » du grand feu et libérer ses ambitions créatrices. Elle y a ainsi découvert la panoplie des fours utilisés et surtout les fours japonais de type oborigama ou anagama. Elle a choisi l’anagama, four couché à une seule chambre, pour ses capacités dimensionnelles et les possibilités des flammes selon les emplacements des pièces dans le parcours des courants de flamme.
Depuis plusieurs années Dominique Coenen sculpte des grands personnages seuls ou en groupe: « personnages troncs sans bras ni jambes ». Personnages hiératiques, sombres par la matière du grès chamotté flammé et par leur expulsion de cris silencieux. C’est à la fois l’inquiétude devant notre monde et l’espoir qu’il puisse être meilleur.
La cuisson de février dernier exposée à la galerie Grès révèle une évolution majeur des personnages de Dominique Coennen qui, après avoir perdu bras et jambes perdent leur tête. Ils sont stèles immobiles, mais le mouvement intérieur de leur énergie est perceptible. Comme dans les kouros, ces statues d’hommes puissants de la Grèce archaïque, dotés eux de têtes, bras et jambes. La vibration de la terre cuite laisse attendre un éclatement et un surgissement de la créature.
Ecoutons l’artiste dévoiler son acte créateur:
« Lorsque j’entre dans l’atelier, une conversation s’engage entre les mains et la terre.
En utilisant la terre jetée, la chamotte se révèle, un relief apparaît, il me guide, me conduit.
La terre répond, s’exprime…
Petit à petit la pièce se révèle, un Kouros, une tête à peine visible.
Il me faudra alors attendre que la pièce soit stable, l’apprivoiser en la côtoyant au quotidien.
La déformer d’un seul geste ferme, pas de repentir
Souligner ce geste par un trait d’engobe.
Enfourner ces pièces, penser être là flamme pour les positionner dans le four anagama.
Nourrir le feu nuits et jours pendant 4 à 5 jours
Écouter le feu, le four, regarder la couleur de la braise, la » lumière des pièces ».
Vient ensuite la fermeture du four, attendre 2 semaines et vient alors le moment de l’ouverture
Rentrer à nouveau dans le four, prendre les pièces une à une
Il faudra quelques jours pour que les couleurs se révèlent.
C’est une conversation intime à trois, des mains, de la terre, du feu… »
La terre issue d’un feu brûlant à plus de 1300° va révéler la sculpture qu’elle contient.
Allez voir, et peut-être « adopter » un Kouros, né après une « conversation »
