Précurseur en peinture, Paul Gauguin le fut également en céramique, mais le fait est peu connu. Son enfance péruvienne chez son grand-père, Don Mariano de Tristan Moscoso, colonel Espagnol en poste à Lima et frère du Vice-roi du Pérou, le met en contact direct avec l’art précolombien dont on percevra souvent l’influence dans sa production. Il entre très jeune dans la Marine, puis en 1871, devient agent de change et gagne bien sa vie. Il épouse Mette, une danoise avec laquelle il aura cinq enfants. Il se met à la peinture progressivement et définitivement en 1882. Dès 1886, il rencontre Ernest Chaplet et travaille pendant dix ans la céramique.
Il est le premier artiste à prendre ce matériau à bras le corps, le travaillant comme le bois ou la pierre ; il est le premier à comprendre toutes les possibilités de la terre et l’utilisera en expérimentant la malléabilité de l’argile et du grès au maximum. Il crée des décors inédits, incisant avec fureur la surface ou sculptant des motifs à sa surface, avec douceur ou volupté. Enfin, certaines de ses pièces sont laissées brutes, d’autres sont engobés et d’autres enfin portent des émaux sourds et sensibles.
Jamais auparavant un potier n’avait manié la terre avec cette créativité un peu sauvage, rude et atypique. Elle est bien sûre à remettre dans son contexte de japonisme, de cloisonnisme et de symbolisme, mais les céramiques de Gauguin sont sorties de nulle part et il faudra attendre la deuxième moitié du XX° s pour retrouver un expressionnisme aussi fort et talentueux.