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Bernard Thimonnier, Assemblage II

Pour la troisième année consécutive, l’exposition d’été à la Maison des Arts de Conches-en-Ouche présente une rétrospective d’un céramiste ayant commencé à travailler après Mai 68.

Les recherches de Bernard Thimonnier portent sur une création architecturale, une forme sculpturale de la terre, les volumes sont pensés en 3D, avec ou sans croquis préalable. Bernard part de formes géométriques essentielles, telles que le cube, la sphère, la sphère aplatie, le parallélépipède rectangle… etc. Puis ces volumes basiques se libèrent de leur forme primitive et deviennent des maisons arrondies, des colonnes superposées, des croissants de lune, etc.

De plus, l’étude du matériau happe l’artiste : la roche découverte au hasard d’une promenade le séduit par sa forme sensible, ou surprenante, ou déséquilibrée. Son attention aux « choses » est toujours en éveil, et un tronc d’arbre biscornu ou granuleux, une roche ferreuse usée par le vent, l’arrêtent. Sa force créatrice imagine une forme complétive, et la sculpture finie offre une réconciliation des contraires.

Les débuts à La Borne

Bernard Thimonnier, autodidacte, arrive en 1971 à La Borne. Il démarre quelques mois  chez Pierre Digan et Janet Stedmann. Puis il se met à son compte et réalise pendant une dizaine d’années des poteries utilitaires en améliorant son geste lors du tournage ; il cuit déjà ses pièces au four à bois. Il rencontre les grands céramistes de La Borne comme Elisabeth Joulia, les Mohy, Jean Linard et participe au Symposium de 1977 à La Borne.

1979, Première Biennale de Châteauroux

Très connue aujourd’hui, la Biennale de Châteauroux a démarré en 1979 sous l’impulsion de Jean-Pierre Viot. Dans le comité de sélection apparaissent Alain Girel, Jeanne Grandpierre et Michel Levêque. Située dans l’ancien couvent des Cordeliers restauré en 1975, la Biennale a permis aux jeunes céramistes de montrer leur travail dans un cadre magnifique.

En 1982, Bernard Thimonnier crée des Colonnes, cuites dans un four traditionnel Bornois et présentées à la Biennale de 1983. Mesurant jusqu’à un mètre quatre-vingt-douze, ces grandes pièces en grès sont un véritable tour de force pour un céramiste. Elles sont originales et surprenantes, portent un décor léger et unique, réalisées quelques fois en deux étages, surmontées d’une fermeture en plomb, ce qui annonce les sculptures à venir.

Les Toupies

Vers 1982 / 1984, Bernard Thimonnier a réalisé de nombreuses œuvres utilitaires tournées.  Cependant, après une longue pratique, ayant le sentiment d’avoir fait le tour des possibilités de cette technique, il clôt cette période en réalisant des toupies. A la fois parce que ce sont de beaux objets, et à la fois parce que ce sont des formes abouties, des formes parfaites, où il faut refermer l’objet et emprisonner le vide central, toujours en tournant la pièce. Cela lui permet de varier la hauteur, produisant des toupies presque plates, et d’autres presque coniques… Puis l’émail vient souligner la forme. Certaines sont en grès, d’autres en porcelaine émaillée. Dernièrement, Bernard Thimonnier en a refait en terre enfumée, sa technique de prédilection dont nous parlons plus loin.

Début de la terre enfumée. 1986 /1987

Vers 1985, Bernard découvre les différents matériaux nécessaires a toutes réalisations et étudie la notion d’assemblage. Il apprend comment travailler le béton, le ciment, le métal, etc. Ce contact avec les différentes matières lui plaît, et vers le milieu des années quatre-vingt, Bernard s’oriente vers la sculpture avec l’augmentation des dimensions et l’exploration de matériaux.

De plus, c’est le moment où il commence à réaliser des céramiques en terre enfumée, technique particulière, qui mêle l’archaïsme des cuissons africaines et la modernité des matériaux mis à disposition par l’industrie. 

Bernard innove et invente une nouvelle façon de cuire : il fabrique un four modulable en briques réfractaires, construit autour de la pièce. Pour le refermer, il pose une nappe en fibre d’alumine. La chaleur provient d’un bruleur à gaz. La flamme est indirecte, et la chaleur ressort par une cheminée. Bernard lance la cuisson avec une montée lente de la température jusqu’à 1100 ° pendant huit à dix heures. Lorsque le pyromètre indique la température voulue, il arrête, ouvre le four, sort la céramique encore brulante et la dépose dans de la sciure de bois, ce qui noircit la pièce.

Assemblages 1992

Le volume des pièces s’agrandit, il faut pousser les murs, alors Bernard Thimonnier s’installe dans une ancienne ferme à restaurer près de Sancerre. En pleine campagne, les éléments naturels apparaissent dans leur nudité magnifique, les couleurs chatoient sous le soleil. La pierre de fer locale est roux foncé… Dans son nouvel environnement, Bernard cherche avec plaisir quelques troncs d’arbres, pièces de roche, de terre ou de cire qu’il va pouvoir assembler pour créer une partition musicale. C’est la volupté des matériaux qui amuse Bernard, et leurs assemblages complémentaires qui le réjouissent. Ces matériaux sont assez bruts, mais leur rapport dans l’’espace fonctionne et surprend en même temps. Ils offrent au regard une harmonie disruptive inhabituelle et novatrice.

La ville Noire 2021

Dans une semi pénombre, des architectures se positionnent devant un grand écran en cire jaune éclairé au dos. Sorte d’installation futuriste qui oppose la noirceur de la ville, ses pots d’échappement, sa pollution et son mal-être à la beauté d’une lumière diffuse attirante. C’est une allégorie de l’époque industrielle et urbaine dans toute ses difficultés pour survivre. L’esthétique de cette installation est remarquable car elle oppose un jaune solaire et éclatant à un habitat noir d’encre…. C’est une préocupation importante de Bernard Thimonnier.

Les sculptures de Bernard Thimonnier présentent une qualité d’équilibre des volumes remarquable ; elles sont l’expression même de la création française depuis plusieurs siècles par un certain classicisme, cassé par un déséquilibre des masses. Ses œuvres vont traverser le temps grâce à cette atemporalité qui est le signe des grands artistes.

Marie-Pascale Suhard

Exposition du 29 juin au 25 août 2024

A la Maison des Arts de Conches-en-Ouche

Place Aristide Briand

27190 Conches-en-Ouche