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Bela Silva

Opulence baroque du XXI°siècle

A l’avant-garde de la céramique portugaise, Bela Silva s’est formée à Lisbonne et à l’Art Institute of Chicago. Baignée dans les récits étranges des Azulejos, son inspiration mêle bestiaire surréaliste et végétaux méditerranéens. Ses installations dans les musées portugais réactualisent le baroque, portant à un rare degré d’excentricité les souliers princiers du XVIII°s par exemple. Mais c’est l’hyperréalisme poétique de ses décors du métro lisbonnais qui l’insère durablement dans le XXI° siècle.

 

La marque principale de Bela Silva est une créativité débordante et débridée, doublée d’une exubérance toute méditerranéenne qui la rapproche de la fantaisie iconoclaste de sa compatriote Joana Vasconcelos*. La démesure est également son terrain de jeu habituel. En 2011, Bela Silva s’est enfin posée à Bruxelles dans un grand atelier lumineux qui lui donne la sérénité pour fixer son style et poursuivre son œuvre avec ténacité.

Très vite, lorsqu’elle est aux beaux-arts de Lisbonne à la fin de années quatre-vingts, elle se dirige vers la section céramique car les résultats des modelages en terre sont rapides à apprécier et donc à corriger, même si l’œuvre ultime ne survient que plus tard. Comme Manuel Cargaleiro qu’elle rencontra vers 18 ans, les Azulejos nourrissent son imaginaire qui se peuple de dialogues de singes, de récits des grandes découvertes maritimes des XVI°, XVII° et XVIII°s ou bien de scènes de cours princières. L’attrait de la céramique coule donc dans ses veines, mais elle est une des premières au Portugal à faire évoluer cet art vers la modernité. Pour cela, elle part à Chicago et suit l’enseignement de l’Art Institute situé dans le musée du même nom. C’est une découverte essentielle pour Bela, vu l’immense collection du musée, balayant l’histoire de l’art depuis l’archéologie jusqu’au très contemporain, particulièrement riche en art américain de la deuxième moitié du XX°s. Engrangeant tous ces styles avec curiosité, Bela piochera dans l’une ou l’autre de ces époques ce qui lui correspondra le mieux. Aujourd’hui, les arts Étrusque et Perse sont un univers qui sous-tend ses créations, mais elle retrouve également en Belgique l’ombre tutélaire de James Ensor qui avait provoqué chez elle, dès ses débuts, une réelle fascination.

Après Chicago, Bela revient deux ans au Portugal, puis part à New-York juste avant le 11 septembre et y vend ses dessins au New-York Times. Puis elle rentre chez elle, à Lisbonne. C’est le début de la reconnaissance. On lui propose des installations dans les musées Anastaciò Gonçalvès, au Palàcio da Ajuda et à la Fondation Ricardo Espirito Santo. Elle y fait cohabiter ses animaux étranges ou ses excentriques souliers avec des décors du XVIII° baroque portugais, produisant un choc visuel décalé.

Maîtrisant le dessin d’un trait simple et fluide, il est évident que l’art des panneaux en céramique lui est aisé. Elle débute dès 1999 par un panneau dans la rue Diogo de Couto de Lisbonne, en 2003 un panneau au Sakaï culture Centre au Japon, et surtout en 2008, deux très grands panneaux à la station Alvalade du métro de Lisbonne. Ceux-ci sont d’une gaîté fougueuse mettant en scène de jeunes femmes épanouies dansant sous la mélodie d’un singe guitariste, ou balançant, en maillot de bain, un long filin tout droit sorti d’un vieux galion portugais. Rêve et réalité. C’est le début d’une réelle consécration dans son pays où même les enfants reconnaissent maintenant sa marque…

Ayant trouvé son style, Bela Silva travaille actuellement à Bruxelles. Les pièces ici produites ont gagné en puissance et en dimension. Dans un coin de l’atelier, on tombe sur quelques œuvres démesurées où s’imbriquent rageusement des animaux fantastiques, une tête de cochon, de cerf ou de lion dévorant un bovidé. Sur les étagères rayonnent ces vases épais, montés à la main, où poussent des moules, des coraux, de délicieux cannelés bordelais, des sucettes, ou bien quelque animal rampant. Quant à ceux qui sont déjà sortis de l’atelier, ayant charmé quelque collectionneur, leurs témoins photographiques chatouillent notre regard avec de magnifiques sculptures, montagnes arrondies, où fleurissent agapanthes turquoise, salamandre verte de bronze, crocodile étonné, etc…. Quelques œuvres de Bela Silva sont effectivement dans des collections prestigieuses et dans les musées comme le Museu Nacional do Azulejo de Lisbonne où est conservé un grand panneau :  Albarradas (vase avec des fleurs).

Un œuvre est là, apportant du Portugal l’exubérance méditerranéenne et des États-Unis une grande liberté de pensée et de création. Posé à Bruxelles, au centre de l’Europe, l’œuvre onirique de Bela Silva doit grandir en renommée avec le vent du nord et les amateurs de céramiques de ces frais pays.

Marie-Pascale Suhard

*Exposition de 2012 au Château de Versailles.
Bela Silva est représentée à Paris par la Galerie Karry et exposa chez Pierre Passebon, Galerie du Passage, du 1° au 30 décembre 2015