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Vera Székely (1919 – 1994) chez Thomas Fritsch

Avec ténacité, depuis quatre ans, Thomas Fritsch a recherché et collecté des pièces de Véra et Pierre Székely (1923-2001), associés à André Borderie (1923-1996). Contactant les collectionneurs et les marchands, il a réussi à monter une exposition remarquable sur leur œuvre commune, de 1947 à 1958 ; puis sur les pièces du couple Székely seul. En parallèle, une monographie très documentée sur toute la carrière de Véra Székely, écrite par Daniel Léger, est publiée aux Editions Norma.

L’exposition est organisée en deux temps et permet de visualiser l’évolution du travail des Székely avant et après leur séparation d’avec André Borderie.

Le premier espace met en évidence un style qu’ils ont trouvé rapidement. Hongrois, Véra et Pierre ont été formés dans les écoles d’art de Budapest, où ils se sont rencontrés et mariés sous le signe d’une foi partagée. Leurs débuts sont influencés par l’art populaire hongrois et, dès 1942, ils sont primés pour un retable en bois sculpté.

En 1947, passant par Vienne pour émigrer vers la France, ils y rencontrent André Borderie qui travaillait pour les PTT à l’époque, et sympathisent. Arrivés à Paris, Véra et Pierre sont accueillis par Paul Colin que connaissait Véra mais très vite s’installent à Bures-sur-Yvette, rejoints en 1948 par André Borderie.

 Le trio forme une petite communauté. André Borderie s’étant converti au catholicisme en 1948, ils sont en symbiose pour leurs créations. Bien dans leur époque, ils créent des pièces rustiques, un peu épaisses, à l’émail rugueux sur lequel un décor incisé prend place naturellement. Mais, en même temps, leur originalité apparait avec brio : elle se situe dans ces couleurs douces, en demi-teinte d’ocre, de bleu ciel, de vert d’eau, rehaussées de touches d’orange sur fond noir ou beige. Les décors profondément incisés ou travaillés en réserve, sont inspirés par Miro et Klee, retranscrits avec originalité et aisance. Les formes sont simples, déséquilibrées, jamais sèches. Leurs premières œuvres sont des plats et des pichets pour l’essentiel. Les sculptures apparaissent ensuite, et elles sont abstraites ou anthropomorphiques, terriblement naïves et sophistiquées en même temps, drôles, surprenantes toujours. La qualité de leur travail réside dans leur émail mat et brut, comme une peau craquelée, vieillie, aux pores dilatés comme des cratères. Ils utilisent de la terre chamottée et ne tournent jamais leurs pièces. Durant cette première période, les pièces sont signées SZB, formant une croix.

Rapidement, le trio expose à la galerie MAI où il est remarqué. Les commandes émanent des architectes appartenant au Groupe Espace d’André Bloc, et du clergé pour lequel ils réalisent des chemins de croix, des sculptures religieuses novatrices. Ils reçurent en particulier une commande intéressante pour une maison en construction, « Le bateau ivre » : Véra y créa un grand panneau mural à cheval entre l’intérieur et l’extérieur … C’est pour cette maison qu’ils réalisèrent, dans la cuisine, un panneau dont le décor abstrait inclut des niches pour poser savon ou éponge : une vraie merveille de bas-relief exposée chez Thomas Fritsch…

En 1957, le trio se sépare, André Borderie part pour Senlis. Pierre et Véra font encore œuvre commune pour quelques temps lorsqu’ils doivent honorer des commandes, qui sont souvent des panneaux muraux pour des bâtiments publics, ou des sculptures pour les églises. Ils exposent, d’ailleurs, très régulièrement aux Salons de l’Art Sacré.

Véra poursuit son œuvre céramique, et les pièces de cette période sont plus structurées, plus sobres et le décor lui-même n’est plus que géométrique avec des aplats de couleur pures.

Dès 1960, Véra travaille seule et produit des stèles, des totems de volumes simples souvent en équilibre instable. C’est ainsi que peu à peu, elle prend son élan d’artiste solitaire en travaillant d’autres matériaux : d’abord le métal de récupération, puis le bois brûlé et, comme si elle s’allégeait des contraintes de la réalité – qu’elle soit maritale ou céramique -, Véra arrive à la légèreté et à la poésie en créant des volumes de voiles accrochées au vide, flottant au vent. Ce sont des installations in situ en relation avec le bâtiment et l’architecture, œuvres prémonitoires de la création par l’architecte Frank O. Gehry de la fondation Louis Vuitton au Bois de Boulogne…

Nou nous sommes un peu éloignés de l’exposition pour parler de l’évolution de cette grande artiste, alors, jetez un œil sur cette belle monographie, et vous viendrez, charmés, admirer chez Thomas Fritsch les œuvres des années 50 et 60 et percevoir la poésie de la matière…

Exposition prolongée jusqu’au 10 janvier 2021

Galerie Artrium-Thomas Fritsch. 6 rue de Seine, 75006 Paris

Vera SZEKELY, par Daniel Léger, Editions Norma