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Contexte

L’Art Nouveau est un mouvement artistique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui s’appuie sur l’esthétique des lignes courbes. Né en réaction contre les dérives de l’industrialisation à outrance et la reproduction sclérosante des anciens styles, c’est un mouvement soudain, rapide, qui connaît un développement international.

S’il comporte des nuances selon les pays, ses critères sont communs : l’Art Nouveau se caractérise par l’inventivité, la présence de rythmes, couleurs, ornementations inspirées des arbres, des fleurs, des insectes et des animaux. C’est aussi un art total en ce sens qu’il occupe tout l’espace disponible pour mettre en place un univers personnel considéré comme favorable à l’épanouissement de l’homme moderne à l’aube du XXe siècle. Nous retrouvons des créateurs en architecture (Hector Guimard et ses célèbres bouches de métro), en mobilier (Ruppert Carabin), en art décoratifs et en peinture (Mucha).

En 1901, naissance de la SAD (Société de Artistes Décorateurs) qui organise le salon du même nom. C’est la reconnaissance des artistes décorateurs qui exposent au salon d’automne dès 1903.

Apparu au début des années 1890, on peut considérer qu’à partir de 1905, l’Art nouveau avait déjà donné le meilleur de lui-même et que son apogée est atteint. Avant la Première Guerre mondiale, ce mouvement évolue vers un style plus géométrique, caractéristique du mouvement artistique qui prendra la relève : l’Art déco (1910-1940).

Pour la céramique, nous devons nuancer cette apparition soudaine d’un style, car les recherches de Chaplet (voir bio ci-dessus) vers 1870 et les créations de Felix Bracquemond à l’atelier Haviland proposent un début de style Art Nouveau. Plusieurs centres comme celui des Massier à Vallauris où de nombreux artistes apporteront de belles créations. Nous ne parlerons que des principaux artistes, comme Adrian Dalpayrat, Auguste Delaherche, Alexandre Bigot…

Les principaux céramistes

Les Massier à Vallauris

La famille Massier est installée à Vallauris depuis le XVII°. La poterie débute avec Pierre Massier (1707-1748) qui produit des terres cuites classiques. Jacques Massier (1806-1871) évolue déjà vers une production plus artistique, créant des pièces décoratives (pièces d’extérieur, cache-pots, vases…) qui influenceront ses enfants : Delphin (1836-1907) et Clément (1844-1917). Ainsi que leur cousin, Jérôme (1850-1916)

Ceux-ci débutent ensemble dans l’atelier familial, reprenant d’ancien modèles, et ajoutant de nouvelles créations. Toute leur vie, ils s’efforceront d’effectuer des recherches stylistiques et techniques. Précurseurs et avant-gardistes, leurs démarches commerciales à travers des catalogues publicitaires proposent de nombreux modèles d’inspirations très différentes, avec des palettes de couleurs et de techniques d’émaillage variées. Leur merveilleux turquoise est leur couleur la plus demandée. Ils ont la bonne idée de faire appel à de grands artistes tels Dominique Zumbo et Claude Lévi-Dhurmer… Leurs recherches sur les émaux leur permettent de reprendre et de maîtriser parfaitement la technique des lustres métalliques, technique offrant une belle irisation à la surface des pièces. De nombreux prix et médailles couronnent leur œuvre.

Ils s’agrandissent, achètent de nombreux bâtiments dont ce bel Hôtel particulier en plein Vallauris, exportent dans le monde entier, et, à la fin du siècle, le nom de Massier connait une renommée internationale et contribue à faire connaitre ce village aux cent potiers dont nous reparlerons très vite.

Pierre-Adrian Dalpayrat (1844-1910)

Né à Limoges où il débute, Dalpayrat bouge beaucoup dans ses années de formation. On le retrouve à Bordeaux à la manufacture Jules Vieillard et cie, à Toulouse chez Fouquet, puis à Monaco, Menton.

En 1887, le tremblement de terre de la côte d’Azur détruit son atelier et il retourne à Limoges. C’est en 1889 qu’il ouvre son propre atelier à Bourg-La-Reine.

Au cours de sa formation, il acquiert une maîtrise du travail du grès et donne son nom au « rouge Dalpayrat ». Cette nuance fit sa renommée internationale. Il l’obtient en utilisant l’oxyde de cuivre et en maîtrisant l’atmosphère, la durée de cuisson, ainsi que la température pour obtenir des effets inédits d’une teinte rouge sang de bœuf.

Il reçoit une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900, ainsi que les insignes de chevalier de la Légion d’honneur. C’est l’un des plus talentueux et des plus productif céramiste Art nouveau, ses œuvres se trouvent dans de nombreux musées internationaux.

Auguste Delaherche (1857-1940)

Né à Beauvais, fils d’un manufacturier de cette ville, Auguste Delaherche entre en 1877 à l’École nationale des arts décoratifs de Paris, où il reçoit l’enseignement d’Edmond Lechevallier-Chevignard (1825-1902). Comme dessinateur, avec celui-ci, il collabore à la restauration des vitraux d’Ecouen puis à la création des verrières de la chapelle du château de Chantilly.

Il commence à produire de la céramique d’art en 1883, attiré par la tradition céramique beauvaisine, dont son oncle paternel, grand collectionneur, détient des pièces majeures ; cette année-là, il rencontre Ludovic Pilleux, céramiste de la manufacture de L’Italienne, commune de Goincourt, près de Beauvais, et travaille dans son atelier. En 1886-1887, il est dessinateur et chef de service de la galvanoplastie de la maison Christofle.

Il est exposé à la galerie de Samuel Bing, « L’Art japonais », puis reprend, en 1887, l’atelier parisien de la rue Blomet du céramiste Ernest Chaplet où sa production prend place durant sept années. Tout comme Chaplet, il engage la pratique du grès dans une voie nouvelle en renonçant aux décors gravés.

En 1891-1892, il s’installe au hameau d’Armentières, commune de La Chapelle-aux-Pots, près de Beauvais puis, en 1894, il y fait construire sa maison et son atelier « Les Sables Rouges », par son ami l’architecte Genuys. Ami du peintre Henri Le Sidaner, il lui conseille de s’installer à Gerberoy (Oise), à une quinzaine de kilomètres de son atelier.

A partir de 1904, il produit des œuvres beaucoup plus libres, parfois asymétriques, directement inspirées de son imagination

En 1887, à l’exposition des arts décoratifs de Paris, il reçoit une première médaille d’or, puis une deuxième, lors de l’exposition universelle de 1889. Nombres de ses œuvres sont présentes dans les collections du musée d’Orsay.

Edmond (1855-1948) et Raoul (1885-1956) Lachenal

Né à Paris, Edmond Lachenal est en apprentissage dès quinze ans chez Théodore Deck, rue de Vaugirard. Ses premiers travaux sont influencés par Deck et l’art Iznik

En 1881, il est indépendant et travaille au 121 rue Blomet.  Puis va à Malakoff et à Chatillon-sur-Bagneux; Il est inspiré par la nature et présente rapidement une gamme très étendue de savoir-faire. En 1884, il crée un service pour Sarah Bernhardt avec application de poissons qui eut grand succès.

A partir des années 90, il travaille le grès de préférence et crée un émail mat velouté grâce à l’utilisation de l’acide hydrofluorique.

1893, il collabore à la manufacture Keller et Guerin à Lunéville où il expérimente les lustres métalliques. Dès 1894, il collabore avec des peintres et des sculpteurs dont Rodin (La pleureuse) Son apprenti principal fut Emile Decoeur.

Médaille d’or à l’Exposition Universelle de 1889.

En 1904, il laisse la direction de l’atelier à son fils Raoul, continue de collaborer mais se met principalement à la peinture.

Raoul Lachenal apprend auprès de son père et d’Emile Decoeur et présente sa première pièce en 1904 au Salon des Artistes Français. Il produit de belles pièces aux décors organiques et reprend le bleu turquoise familial ou travaille un peu l’émail comme Dalpayrat. Il ouvre son propre atelier à Boulogne en 1907 et évolue vers un style plus cubisant, remportant un grand succès aux Etats-Unis. Notons également sa collaboration à l’atelier La Maîtrise des Galeries Lafayette. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’il reviendra dans l’atelier familial de Chatillon.

Lachenal

Emile Decoeur (1876-1953)

Decoeur, orphelin, débute dès l’âge de 14 ans chez Edmond Lachenal à Chatillon-sous-Bagneux. Rapidement, il y prend une place importante et signe conjointement avec son maître, jusqu’à 1901, date à laquelle il présente sa première pièce au SAF. Ses premières pièces sont de style Art nouveau.

En 1904, il ouvre sa propre galerie, L’art Céramique à Auteuil. De nombreuses sculptures en grès proviennent de cette période, souvent produites avec des sculpteurs. En parallèle, il s’essaye au grès porcelanique, et lance une petite édition de faience. C’est la période où Fernand Rumèbe est son élève.

En 1908, Decoeur transfère son atelier à Fontenay-aux-roses. Période d’influence orientaliste. Mais il aime également les rouges sang-de-bœuf et les céladons. Il collabore avec la Manufacture de Sèvres, puis y est nommé directeur artistique en 1939. Le musée de Sèvres est riche en œuvres de Decoeur, suite à une donation d’un collectionneur américain.

André Metthey et la céramique Fauve, 1907 - 1909

Dès la fin de l’école primaire, André Metthey suit quelques cours aux Beaux-arts de Dijon, mais le décès de son père l’oblige à travailler chez un tailleur de pierre où il apprend le ciselage. En 1886, il est à Paris chez un modeleur et pratique la sculpture d’ornements.

C’est après la lecture de l’Histoire de la céramique d’Edouard Garnier qu’il décide de devenir céramiste. En 1892, il construit son premier four et lance ses recherches pendant une dizaine d’années. C’est en 1901 qu’il peut interrompre ses autres activités et ne se consacrer qu’à sa passion.

Révolutionner les pratiques céramiques quasi industrielles, libérer le geste, faire éclater les couleurs, tels sont ses souhaits, basés sur la tendance Arts and Crafts venues d’Ecosse tendant à abolir les différences entre arts majeurs et arts mineur. Il Expose donc en 1901 au salon des Indépendants ses premières pièces en grès. Mais pratique rapidement la faïence avec un mélange de terre verte de Fresnes, de la marne de Meudon et du sable de Fontenay-aux-Roses. De ce mélange nait à la cuisson une pâte rouge qui, recouverte par des émaux stannifères, permettront d’obtenir des couleurs flamboyantes qu’utiliseront les artistes Fauves.

En 1903, André Metthey s’installe à Asnières. Georges Rouault est un de ses amis et l’on peut imaginer que, de cette proximité, la tentation de détourner les jeunes artistes novateurs vers la céramique se présente à l’esprit inventif de Metthey. Ambroise Vollard, dans ses mémoires, s’attribue cette idée prévoyant une exposition au salon d’Automne de 1907…

Quoiqu’il en soit, une collaboration entre ces jeunes artistes et Metthey s’établit de 1907 à 1909. Des pièces magnifiques sortent de l’atelier d’Asnières réalisées par les plus grands : Pierre Bonnard, Maurice Denis, André Derain, Jean Puy, Matisse, Laprade, Maillol, Ker-Xavier Roussel, Georges Rouault, Louis Valtat, Maurice de Wlaminck. Le public du salon d’Automne ne perçu sans doute pas tout l’apport de ces jeunes, seuls quelques collectionneurs comme Ambroise Vollard, le ministre Marcel Sembat ou le critique Louis Vauxcelles achetèrent quelques-unes de ces belles pièces qui sont aujourd’hui dans de nombreux musées…

Une page de la céramique se tourne, contribuant au changement vers la modernité de cet art qui explose aujourd’hui, en ce début de XXI° siècle.