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Contexte

En réaction aux décors sclérosés du XVIII°, la céramique s’est libérée dès la deuxième moitié du XIX° et aboutit à des formes naturelles, organiques, biomorphiques, soit moulées en relief, soit présentant des décors peints. L’apogée du style Art Nouveau se situe vers 1905. Mais les leçons de Cézanne sur le décryptage géométrique de la nature : « Tout, dans la nature se modèle selon le cylindre, la sphère, le cône » (lettre de Cézanne à Emile Bernard, 1904), vont aboutir au cubisme. Les demoiselles d’Avignon de Picasso naissent en 1907. Le germe de l’évolution de l’art du XX° est là.

Et puis les nombreux mouvements novateurs se succèdent : le futurisme italien en 1909, le suprématisme russe en 1915 le constructivisme en 1917 …, et surtout le Bauhaus dès 1919

Ces influences se font sentir juste avant la première guerre mondiale avec des grès et des porcelaines qui s’attachent principalement aux formes et aux couvertes plutôt qu’à des décors superflus. Après-guerre, l’arrivée de l’industrialisation, de l’automobile, de l’aviation, du béton armé provoque un désir d’ordre et de lignes épurées. C’est la pleine période des utopies égalitaires, d’une foi dans les progrès de la science et l’arrivée d’un Homme nouveau. Après la première guerre mondiale, la France est détruite et épuisée, la reconstruction apparait dans tous les domaines et la production d’objets du quotidien est quantitativement importante. Les arts décoratifs sont à l’honneur avec les salons et expositions universelles :

1925 Exposition Internationale des Arts décoratifs

1937 Exposition internationale des Arts et Techniques

Les artistes et les artisans travaillent de concert, l’interaction entre toutes les spécialités artistiques est à son apogée, La compagnie des Arts français est créée en 1919.

La céramique de l’entre-deux guerres est dominée par quelques grands céramistes, quelques grands peintres comme Lucio Fontana et de nombreuses autres productions émanant d’ateliers, de commandes de grands magasins comme Le Printemps et Primavera, ou de manufactures comme Longwy. Les pièces sont uniques ou bien fabriquées en petites séries, mais un style anguleux, carré se dégage. Les formes sont bien maitrisées et les décors s’y adaptent en soulignant les angles et ruptures. Les couleurs sont gaies, ou tendent vers des camaïeux de bruns, leur pose est maitrisée et la géométrie est reine.

Le Bauhaus

.Le Bauhaus fut une école où l’on enseignait un programme unique intégrant le design et l’architecture ; les professeurs étaient des artistes et des architectes. Cette école dura peu de temps : de 1919 à 1925 à Weimar et de 1925 à 1933 à Dessau. L’arrivée du Nazisme stoppa son activité et les principaux enseignants émigrèrent aux USA comme Joseph Albers, Marcel Breuer et Walter Gropius.

Pour la céramique, un des objectifs était de faire des profits avec une production fonctionnelle bien conçue, mais ils n’en eurent pas le temps. Gerhard Marcks, maître de la section de la forme fondait son enseignement sur les mêmes principes de structure que la sculpture. Max Krehan, maître d’atelier, supervisait les aspects techniques de la production. La poterie du Bauhaus (cf expo au MAD de Paris en 2016/2017) présente des formes pures, sans décor et sa belle esthétique est subordonnée à sa fonctionnalité.

Les céramistes principaux

Felix Massoul (1869-1942)

L’influence des céramiques du pourtour méditerranéen s’exerça sur Felix Massoul. Ses recherches portèrent sur les techniques du lustre Hispano-Mauresque, les procédés des terres cuites romaines, des vases grecques, les bleus éclatants des céramiques du Moyen-Orient, et particulièrement, le turquoise de pâte sableuses égyptiennes.

Henri Simmen (1880-1963)

Attiré par les poteries traditionnelles, il apprit la technique du grès et de la faïence chez Edmond Lachenal. Après avoir étudié la technique de la glaçure au sel, il partit étudier les procédés de fabrication de de matériau en Extrême-Orient et, dès son retour, produit des céramiques très sobres, modelées à la main, ornées de couvertes monochromes recouvrant parfois un décor sculpté et parfois enrichi d’éléments de corne ou d’ivoire dus à son épouse japonaise, ivoiriste.

Mayodon Jean (1883-1967)

De sa formation de peintre, il garda son goût pour les décors figuratifs. Il commence à s’intéresser à la céramique dès 1912. Fortement inspiré par des arts hindous et persans ainsi que par la danseuse Isadora Duncan, qui le marque avant la guerre de 1914 pour le restant de son œuvre. Il produisit une céramique à décor figuratif, dans le goût antique, caractérisée par la pratique de la faïence stannifère à “feu d’or”. Il réalisa des œuvres monumentales (panneaux décoratifs, sculptures, fontaines, cheminées) d’une qualité irréprochable. Il aménagea lui-même ses fours et complète ses connaissances en chimie pour réaliser des pièces aux oxydes colorés, parcourues d’un réseau d’or leur conférant un aspect précieux. Sa principale source d’inspiration reste tout au long de son œuvre, une antiquité forte et joyeuse évoquée par des rondes de tritons et de sirènes, de danseuses, de héros et de dieux. Il fut sollicité pour de nombreuses commandes officielles et fut directeur artistique de la Manufacture nationale de Sèvres en 1941 et 1942

Jean Besnard (1889-1958)

Fils d’un peintre et sculpteur, Jean Besnard étudie, en Savoie d’abord, les poteries populaires auxquelles il s’intéressera toute sa vie. Travaillant avec un tourneur et un émailleur, il est célèbre pour ses recherches sur les émaux, particulièrement la série des « dentelles » ou bien l’émail crispé imitant le galuchat, très à la mode dans les années vingt et trente. Il aime également produire des masques et des personnages drolatiques. Il dessine des coupes et des vases pour la manufacture de Sèvres de 1939 à 1942, et y sera conseiller de 1942 à 1948.

Il expose au salon des Tuileries dès 1925 et au salon d’automne dès 1926. Ses œuvres sont dans les musées des Arts décoratifs, du Luxembourg et des Beaux-arts de Lyon.

Georges Serré (1889-1956)

Il est d’abord apprenti à la manufacture de Sèvres, avant d’être envoyé en 1916 à Saigon, où il fut nommé professeur aux écoles d’art locales, ce qui explique l(influence des céramiques d’extrêmes orient dans son œuvre. Il ouvrit, à son retour en 1922, un atelier à sèvres où il édita les œuvres de nombreux sculpteurs et y produisit des pièces uniques tournées et cuites au feu de bois, ornées simplement d’émaux ou de décors gravés. Ce sont des grès épais, riche d’abord de leurs seuls émaux, puis rehaussés de décors géométriques ou figuratifs gravés sous couverte. Il dirigea de 1940 à 1950 les ateliers céramiques de l’école des arts appliqués de Paris, puis continua se recherches.

Edouard Cazaux (1889-1974)

Édouard Cazaux est né dans une famille de potiers landais. Leur production de pégas (sorte de cruches) était renommée dans toute la région. A la fin de son enfance, il suit un apprentissage comme ouvrier dans l’usine Ousteau à Aureilhan où il développe ses connaissances dans le travail de la céramique.

A 18 ans, il se rend à Paris où il trouve un emploi de tourneur. Appelé sous les drapeaux, il retourne dans les Landes, à Mont de Marsan où il fait la connaissance du sculpteur Charles Despiau. En 1912, il repart à Paris pour suivre les cours de l’école des Beaux-arts et de l’école de Sèvres. Durant cette période il perfectionne son savoir-faire de céramiste dans différents ateliers dont celui d’Edmond Lachenal où il s’initie à la dorure sur faïence.

En 1918, il installe son atelier à la Varenne-Saint-Hilaire. Il y construit deux fours circulaires analogues à ceux de Sèvres pour cuire ses grès et faïences. Il continue également un travail de sculpteur en répondant à des commandes de monuments aux morts.

Charles Despiau l’incite à présenter ses œuvres , il participe à partir de 1921, au salon des Tuileries, au salon des artistes décorateurs, au salon d’automne et au salon des Indépendants, il expose également au musée de Sèvres.

Ses très nombreuses œuvres sont constituées de pièces en céramique inspirées de thèmes religieux, antiquisants ou animaliers

En 1923, il décore la Villa Leïhorra, à Ciboure, de mosaïques Art Déco (villa classée Monument Historique). Il en décorera de nombreuses sur la côte basque.

Lors de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de 1925, Edouard Cazaux collabore avec le groupe “La Stèle et l’évolution” pour le pavillon de l’éditeur d’art Arthur Goldscheider.

A partir de 1928, Édouard Cazaux collabore avec la cristallerie Degué, une partie importante de la production de cet atelier est de sa création. Cette même année, il expose au Salon d’automne une vitrine contenant des céramiques.

En 1937, les trois frères Cazaux (Édouard, Armand et Vincent) remportent une médaille d’or à l’exposition internationale de Paris pour leur fontaine 3B. Les œuvres d’Edouard connaissent alors un réel succès à Paris tandis que ses frères Armand et Vincent développent l’activité de l’atelier de Biarritz en décorant les nombreuses villas de cette région.

Dans son atelier de la Varenne, Edouard Cazaux recherche toujours à améliorer ses techniques, il utilise le rouge de cuivre et le grès Norton qu’il met au point grâce à l’utilisation des fours de l’usine Norton (température de 1800°) durant la deuxième guerre mondiale. Les productions de vases en grès Norton recouverts d’émaux sont présentés à la galerie Rouard en 1946.

Ses œuvres sont dispersées dans différents musées (musée des Arts Décoratifs à Paris, musées de Saint-Maur, de Dax, De Mont de Marsan).

Les grands magasins

Le Printemps et Primaverra, 1912-1972

Le Printemps est le premier des grands magasins à vouloir se doter au début du XXe siècle d’un atelier de création original grâce à la volonté de deux ardents partisans de l’introduction de la modernité dans les arts décoratifs, Pierre Laguionie, jeune gérant du Printemps, et l’avocat René Guilleré, fondateur de la Société des Artistes décorateurs.

Ces deux hommes fondent en 1912 l’atelier Primavera (« printemps » en italien), qui va connaître, après la Première Guerre mondiale, un développement rapide. Son but : rendre accessibles à tous des objets utilitaires ou décoratifs, à la fois beaux, modernes et de qualité. Des créateurs tels que Louis Lourioux, René Buthaud et Paul Jacquet sont embauchés, une faïencerie est achetée en Touraine pour assurer une partie de la production, d’autres ateliers ou manufactures sont sollicitées dans le domaine du verre et de la céramique… Une production originale voit ainsi le jour.

Le Printemps met d’importants moyens de promotion au service de son jeune atelier de création et sa participation aux principaux Salons des arts décoratifs culmine avec l’édification du pavillon Primavera à l’Exposition de 1925 : des millions de visiteurs y découvrent des objets et du mobilier abordables et d’une esthétique nouvelle. À une clientèle modeste éprise de modernité, Primavera fournit des tapis, des tissus d’ameublement, des papiers peints à la mode, et se spécialise dans les objets en céramique : vases, bibelots, figurines… L’aventure se poursuit sous la houlette protéiforme de Colette Gueden et se clôt en 1972, après soixante années de créations devenues synonymes d’inventivité et de fantaisie.

Les Galeries Lafayette et La Maitrise 1921-1972

Lancé en 1921 par Maurice Dufrène, un des membres fondateurs du Salon des artistes décorateurs en 1904. Le but de cet atelier est de contribuer à la reconstruction des foyers dévastés par la guerre, ainsi que de diffuser un ameublement de qualité au meilleur prix. Pour cela, il est partisan de la production en série et trouve de bonnes maisons dans chaque spécialité qu’il veut développer : mobilier, tapis, verres, céramiques. Il fait appel à Fernand Nathan, Gabriel Englanger, Suzanne Guiguichon.

La Maîtrise participe aux SAD, et à l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925.

Après avoir fermé sous l’occupation, La Maîtrise reprend son activité jusqu’à la retraite de Maurice Dufrène en 1950. M. Gobion prend sa suite, mais c’est Geneviève Pons qui va relancer son activité avec passion dès 1952. Née en 1924, elle se forme dans les écoles d’art auprès des plus grands dont Maxime Old et reprend à son compte les désirs de Maurice Dufrène, adaptant aux années 50 un style plus ludique, pour les intérieurs plus petits des jeunes de l’après-guerre. Passée au Danemark en 1951, elle avait rencontré Finn Juhl. Elle commande des meubles et objets aux matériaux simples, faciles à travailler et économiques, fer, rotin, formica, plastique… et crée des meubles à plusieurs fonctions, ce qui est assez nouveau. Ludique, fonctionnel et pratique, tels sont les produits de La Maîtrise jusqu’au départ de Geneviève Pons en 1972, date de la fermeture de cet atelier.

Le Bon Marché et Pomone 1920-1955

Pomone est créé par Paul Follot pour concurrencer les ateliers déjà existant au Printemps et aux Galeries Lafayette, en prenant modèle sur la Compagnie des Arts Français de Süe et Mare, très à la mode dans ces années-là. En 1928, c’est René Prou qui lui succède. Enfin, Albert Guénot (1894-1993) dirigera cet atelier dès 1932. Il eut la sagesse de s’adapter à son temps, d’abandonner le luxe pour recourir à des créations plus simples et économiques en chêne, en plastique, ce que les jeunes des années cinquante apprécièrent. De 48 à 52, il se fait aider par Joseph-André Motte, grand designer passé par l’Ecole supérieure des arts appliqués. Albert Guénot travaillera pour Pomone jusqu’en 1955.

Magasin du Louvre et le Studium 1923-1955

Lancé par un jeune créateur, Etienne Kohlmann, le Studium débute par des meubles faisant appel au contreplaqué et au métal, souvenir de sa formation initiale dans une usine d’aviation. Il fait appel à Djo-Bourgeois qui réalise l’intérieur du pavillon pour l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925. C’est en 1938 qu’Etienne-Henri Marin prend la tête du Studium pour lequel il conçoit des meubles simples, confortables et élégants et surtout utilitaires sous l’occupation.

Roger Landault prend la direction en 1945 et réorganise le rayon mobilier. Dans cette période, beaucoup de meubles seront produits pour les colonies, comme des meubles en tubes laqués facilement transportables. Par ailleurs, il lance des meubles aux lignes sages jusque vers le milieu des années 50, moment ou il trouve un style novateur qui ne plait plus à sa direction. Cet atelier décline tandis que Roger Landault réussit une belle carrière de designer.

La Compagnie des Arts Français

A venir…

Les peintres

Deux manifestations permettent de comprendre l’union des artistes et des artisans entre les deux guerres. Tout d’abord, l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925 qui rend compte d’une alliance entre les arts majeurs et les arts mineurs. En effet, de grands artistes comme Fernand Léger ou Robert Delaunay travaillent également pour des architectes, Foujita pour le théâtre et Raoul Dufy pour la mode ; avec Artigas, celui-ci crée des céramiques novatrices, dont ses jardins intérieurs aux décors luxuriants. La seconde manifestation qui concrétise l’alliance entre tous les arts est l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937.

Certains artistes se passionneront pour la céramique qui deviendra leur passion, délaissant quelque fois la peinture comme Maurice Savin* (1894-1977), André Derain (1880-1954), René Buthaud*, Jean Mayodon*, ou Mathurin Méheust* (1882-1958).

Mais le plus créatif, le plus révolutionnaire de cette époque est le grand Lucio Fontana (1899-1968). Arrivé en Italie en 1928, il avait déjà une belle carrière de sculpteur en Argentine. Il travaille à Albissola chez Giusseppe Mazzotti et produit des pièces baroques aux couleurs inhabituelles de blanc, de rose, de bleu ciel.. Figuration et abstraction se mêlent dans une même œuvre, déjouant tous les canons existants. Il produit également des conglomérats et des stèles, tendance expressionniste, préfigurant allègrement la céramique contemporaine. (voir expo au MAM de Paris en 2014)

Le grand peintre surréaliste, André Masson (1896-1987) collabore en 1921 avec Lachenal pour produire un service aux poissons que l’on trouve aujourd’hui presque classique mais d’une grande qualité esthétique. C’est après la seconde guerre mondiale qu’il rencontrera les Sourdives à Cliouscat et produira des pièces plus surréalistes.

André Masson et Lachenal, service à poisson. 1921
André Masson et Lachenal, service à poisson. 1921